Des assos qui se tiennent sages
Témoignages, analyses et ripostes face au contrat d’engagement républicain et son monde
Pour Télé Millevaches, l’histoire commence en 2022 quand elle apprend qu’une aide financière majeure a failli lui échapper. C’est un fonds de soutien aux médias de proximité qui approche les 20 000 € et dont elle bénéficie depuis sa mise en place par le ministère de la Culture en 2016. « Nous avons dû contourner la préfecture de région pour le versement, apprend-elle d’une fonctionnaire, mais en 2023 ce sera plus difficile. »
Au-delà de la bizarrerie de l’opération, ce sont les motifs de la préfecture qui interrogent : qu’a-t-on fait de mal ? On découvre bientôt que plus d’une dizaine d’associations de Creuse et de Corrèze se voient refuser des subventions qu’elles obtenaient les années précédentes. Point commun : les préfectures opposent leur veto malgré les avis favorables des services de l’État qui instruisent les dossiers, notamment la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC).
Au-delà du Limousin, ce sont des associations du Tarn-et-Garonne, des Bouches-du-Rhône ou du Pas-de-Calais qui sont touchées. On croyait le sujet local, il est national. Refus de subventions, d’agrément ministériel, d’autorisation pour accueillir des services civiques : les vexations sont nombreuses pour les associations prises dans le collimateur des préfectures. Le journal Le Monde mentionne une « liste rouge » dans un article du 9 août 2023.
Selon l’Observatoire des libertés associatives, une chose est sûre : les attaques se multiplient en France depuis 2020 et particulièrement depuis 2022. Chercheurs, avocats, collectifs d’associations, tous s’accordent sur un point : la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme », constitue un point de rupture entre l’État et les associations. Depuis, l’ambiance est à la suspicion. Votée au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, cette loi prétend lutter contre le séparatisme religieux. Mais elle vise aujourd’hui tous types d’associations.
Les libertés associatives sont menacées, avec les valeurs de la République en cache-nez pour couper l’herbe sous le pied de militants politiques réels ou fantasmés. Les associations sont-elles vouées à courber l’échine ? Peuvent-elles se défendre ? Témoignages, analyses et ripostes avec notamment :
MARION OGIER
Avocate au barreau de Paris
THIERRY LE ROY
Ancien membre du Conseil d’État et ancien préfet de la Dordogne
ÉRIC CORREIA
Président de la communauté d’agglomération du Grand Guéret
LÉONORE MONCOND’HUY
Maire de Poitiers
PABLO CORROYER
Chercheur en science politique à l’université de Lille et membre de l’Observatoire des libertés associatives
JEAN-BAPTISTE JOBARD
Du Collectif des associations citoyennes et co-fondateur de l’Observatoire des libertés associatives
MARIE GARMADI
De l’institut Alinsky et membre de l’Observatoire des libertés associatives
En savoir plus
Un tri politique des associations par les préfectures90'
Les préfectures de Creuse et de Corrèze ostracisent des associations en les privant de financements sur des critères politiques inavoués. C’est le premier diagnostic d’une étude réalisée entre 2023 et 2024 par Pablo Corroyer, chercheur en science politique de l’université de Lille.
Cette ostracisation est rendue possible par une réorganisation profonde de l’État, une mise sous tutelle de l’administration par le ministère de l’Intérieur que le chercheur détaille et dont la loi « séparatisme » et son contrat d’engagement républicain sont le dernier épisode. Pablo Corroyer qualifie ce mouvement de sécuritisation : une montée du prisme sécuritaire dans l’action publique au détriment des prismes sociaux, démocratiques ou culturels. Le phénomène n’est donc pas local, mais le plateau de Millevaches, jugé trop contestataire, serait particulièrement touché. Les motifs précis d’ostracisation pour chaque association ne sont pas établis.
Références
Fiche technique
Titre : Des assos qui se tiennent sages
Durée : 39'
Date de production : février 2025
Format : 4
Production et distribution : Télé Millevaches
Réalisation : Télé Millevaches
Droits : 1
Rushes conservés : 1
Photos du tournage : 1
@telemillevaches Voilà qui interroge au niveau national !